Voici la biographie de Raden Ayu Kartini
Raden Ayu Kartini, appelée aussi Raden Ajeng Kartini, née le à Jepara (centre de Java) et morte le à Rembang, est une importante figure javanaise et indonésienne, héroïne nationale considérée comme une pionnière des droits des femmes indonésiennes. Elle écrivit notamment les « Lettres d'une Princesse javanaise ».
Kartini est née dans une famille priyayi - noblesse de robe et caste de fonctionnaires gouvernementaux javanaise - à l'époque des Indes néerlandaises. Son père, Raden Mas Aria Adipati Sosroningra, était Régent (préfet) de Jepara et sa mère la première épouse de ce dernier mais non la plus importante - la polygamie étant une pratique courante alors dans la noblesse. Kartini vécut donc de l'intérieur les conflits et la souffrance dont la polygamie pouvait être la cause.
Le père de Kartini, était à l'origine chef du district de Mayong. Sa
mère s'appelait M. A. Ngasirah, fille de Maître Kyai Haji Madirono,
professeur de religion à Teluwakur (Jepara) et de Nyai Haji Siti Aminah.
Les lois de la puissance colonisatrice de l'époque imposant qu'un
Régent devait épouser une noble, et parce que la mère de Kartini n'était
donc pas d'assez haute noblesse, le père de Kartini avait dès lors épousé en secondes noces Raden Ajeng Woerjan (ou Moerjam), une descendante directe du Raja de Madura. Après ce second mariage, Sosroningrat fut nommé Régent de Jepara, prenant la succession du père de sa seconde épouse, R. A. A. Tjitrowikromo.
Kartini était le cinquième enfant - et la seconde fille - d'une fratrie
qui en comptait onze, dont des demi-frères et sœurs. Elle est née dans
une famille ayant une forte tradition intellectuelle : son grand-père
Pangeran Ario Tjondronegoro IV devint Régent à l'âge de 25 ans tandis
que son frère Sosrokartono devint un linguiste
émérite. Kartini est née à une époque où les femmes ne recevaient que
peu ou pas d'éducation mais sa famille l'autorise cependant à aller à
l'école jusqu'à l'âge de douze ans. Elle apprend à parler couramment le néerlandais, ce qui était rare pour les femmes javanaises de l'époque.
Dès l'âge de douze ans révolus, elle est « recluse » dans la maison
familiale, une pratique courante dans la noblesse javanaise pour
préparer les jeunes filles au mariage, moment à partir duquel l'autorité
sur elles est transférée au mari. Le père de Kartini a toutefois été
plus indulgent lors de l'isolement de sa fille, en lui donnant des
privilèges tels que des leçons de broderie et en l'autorisant à quelques
apparitions en public lors d'événements particuliers.
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Une école pour filles à Pati à l'époque coloniale |
Grâce à sa connaissance du néerlandais,
Kartini put continuer à s'instruire à la maison par la lecture de
livres dans cette langue - celle-ci étant à l'époque le seul moyen
d'accès à la culture occidentale pour les lettrés indonésiens - et
correspondre avec des amis épistolaires. L'un d'eux, une jeune fille
nommée Rosa Abendanon, devint une amie très proche. Les lettres qu'elle
lui a adressées, qui reflètent ses opinions contre le traitement injuste
des femmes, ont été publiées aux Pays-Bas
.
Livres, journaux et magazines européens nourrirent l'intérêt de
Kartini pour la pensée féministe européenne et favorisèrent son désir
d'améliorer la condition de la femme indigène qui, à l'époque, ne
bénéficiait que d'un pauvre statut social.
La boulimie de lecture de Kartini incluait le journal de Semarang, De locomotief, édité par Pieter Brooshooft mais aussi le leestrommel,
un ensemble de magazines distribués par les libraires aux abonnés. Elle
lisait aussi les magazines culturels et scientifiques et le magazine
féminin néerlandais De Hollandsche Lelie auquel elle envoya des
contributions qui furent publiées. De ses lettres, il ressort clairement
que Kartini lisait tout avec beaucoup d'attention et de réflexion.
Parmi les livres qu'elle lut avant ses vingt ans, figurent Max Havelaar et Minnebrieven (Lettres d'amours) de Multatuli. Elle lut aussi De Stille Kracht (La Force des ténèbres) de Louis Couperus, le travail de Frederik van Eeden, Augusta de Witt, l'auteure féministe romantique Cécile Goekoop de-Jong Van Beek et le roman anti-guerre par Bertha von Suttner, Die Waffen Nieder! (Bas les armes !) - tous en néerlandais.
Ses préoccupations ne ressortaient pas uniquement du domaine de
l'émancipation des femmes, mais aussi de celui des problèmes de sa
société. Kartini comprit que la lutte des femmes pour obtenir leur
liberté, leur autonomie et l'égalité juridique n'était qu'une partie
d'un mouvement plus large.
En 1903, les parents de Kartini arrangèrent contre sa volonté son mariage avec Raden Adipati Joyodiningrat, le régent de Rembang
qui avait déjà trois épouses. Elle accepta pour ne pas contredire son
père vieillissant. Le mariage fut célébré le 12 novembre 1903. Son mari
comprit les buts de Kartini et lui permit d'ouvrir une école pour femmes
près du portail oriental de sa résidence. Kartini mit au monde un
garçon le 13 septembre 1904. Quelques jours plus tard, le 17, elle
mourait à l'âge de 25 ans.
Kartini est enterrée dans le village de Bulu près de Rembang.Un combat inachevé
Kartini aimait profondément son père, même s'il est clair que ce
profond amour filial constitua un obstacle supplémentaire à la
réalisation de ses ambitions. Il fut assez progressiste pour permettre à
ses filles de fréquenter l'école jusque l'âge de douze ans, mais à ce
moment, les portes d'une plus ample scolarisation leur furent fermées.
Dans ses lettres, son père exprima également son affection pour Kartini.
Il donna finalement la permission à sa fille d'étudier à Batavia
(maintenant Jakarta) pour devenir institutrice bien qu'il l'ait avant cela empêchée de continuer ses études aux Pays-Bas ou d'entrer à l'école de médecine de Batavia.
Le désir de Kartini de poursuivre ses études en Europe avait aussi
été exprimé dans ses lettres. Plusieurs de ses amis épistolaires
œuvrèrent en sa faveur pour la supporter dans sa détermination et quand
celle-ci fut contrecarrée, nombre de ses amis manifestèrent leur
désappointement. À la fin, ses projets de poursuivre ses études aux
Pays-Bas se transformèrent en projet de voyage à Batavia sur les avis de
Mrs Abendanon, Ministre de la Culture, de la Religion et de l'Industrie
aux Indes Orientales, selon lesquels ce serait mieux pour elle et sa
jeune sœur, Rukmini.
Toutefois, en 1903, alors qu'elle était âgée de 24 ans, son projet
d'étudier à Batavia pour devenir institutrice tomba à l'eau. Dans une
lettre à Mrs Abendanon, Kartini écrivit que son plan avait été abandonné
parce qu'elle était sur le point de se marier : « en bref », écrivit-elle « je ne désire pas tirer plus avant profit de cette opportunité parce que je suis sur le point de me marier.. »
- et cela en dépit du fait que le département néerlandais de
l'Éducation ait finalement donné la permission à Kartini et Rukmini
d'étudier à Batavia.
À l'approche du mariage, l'attitude de Kartini à l'égard des coutumes
traditionnelles commença à changer : elle se montra plus conciliante.
Elle pressentit que son mariage pourrait être utile à son projet de
développement d'une école pour les femmes indigènes. Dans ses lettres,
Kartini mentionna non seulement que son auguste mari supportait son
désir de voir se développer l'artisanat du bois sculpté à Jepara et le
projet d'école pour les indigènes mais aussi son intention d'écrire un
livre. Malheureusement cette intention n'eut aucune suite après sa mort
prématurée en 1904 à l'âge de 25 ans.
Inspirée par l'exemple de Kartini, la famille Van Deventer institua
la Fondation Kartini pour la construction d'écoles pour femmes, les Kartini's Schools, à Semarang en 1912, suivies par d'autres écoles pour femmes à Surabaya, Yogyakarta, Malang, Madiun, Cirebon et d'autres régions.
En 1964, le président Soekarno
déclara le jour de la naissance de Kartini, le 21 avril, jour férié
national. Sa décision fut critiquée et il fut suggéré que la journée
d'hommage à Kartini soit associée avec la Fête des Mères
indonésienne, célébrée le 22 décembre, de telle sorte que l'élévation
de Kartini au rang d'héroïne nationale ne porte pas ombrage aux autres
femmes qui, à l'inverse de celle-ci, prirent les armes pour s'opposer au
colonisateur hollandais. Par contraste, ceux qui mettent en exergue
l'importance de Kartini soulignent qu'elle ne fut pas seulement une
militante féministe qui rehaussa le statut de la femme en Indonésie mais
qu'elle fut aussi une figure du nationalisme, avec des idées novatrices pour le peuple, l'associant à la Révolution nationale indonésienne.
Après la mort de Kartini, Mr J.H. Abendanon rassembla et publia les lettres qu'elle échangea avec ses amis en Europe.
La correspondance de Kartini avec Rosa Abendanon et quelques autres amis hollandais fut publiée dans un livre qui inspirera l'intelligentsia indonésienne et le mouvement féministe.
Elle y proclamait l'opinion que le développement intellectuel était un
droit fondamental pour tous, y compris les femmes. Elle y reconnaissait
les aspects positifs de la culture européenne, bien qu'elle ait aussi
critiqué le matérialisme égoïste dont faisait preuve une grande partie
de la caste dirigeante coloniale. Ses lettres sont désormais conservées au Koninklijk Instituut voor Taal-, Land- en Volkenkunde (KITLV) de Leyde.
Le livre fut intitulé « Habis gelap terbitlah terang » - traduit en néerlandais en « Door Duisternis tot Licht » ( Des ténèbres à la lumière
) - et fut publié en 1911. Il connut cinq éditions, avec quelques
documents additionnels dans l'édition finale, et fut traduit en anglais par Agnes L. Symmers qui le publia sous le titre « Letters of a Javanese Princess » - « Lettres d'une princesse javanaise ».
La publication des lettres de Kartini, écrites par une femme
javanaise, suscita beaucoup d'intérêt aux Pays-Bas et y changea la
vision que l'on y avait des femmes indigènes de Java. Ses idées inspirèrent également quelques grandes figures de la lutte indépendantiste indonésienne.
Il y eut toutefois quelques mises en cause de l'authenticité des
lettres de Kartini - il courut notamment des allégations selon
lesquelles les lettres de Kartini avaient été rédigées par Abendanon.
Ces soupçons surgirent parce que le livre fut publié au moment où le
Gouvernement colonial hollandais commençait à mettre en place sa
« politique éthique » aux Indes orientales néerlandaises et qu'Abendanon
était l'un des fervents supporters de celle-ci. Le sort de la majorité
des lettres de Kartini est inconnu, le gouvernement néerlandais ayant
été incapable de retrouver les descendants de J.H. Abendanon.
Publications de sa correspondance
- 1912 - « Door duisternis tot licht », édition originale en néerlandais avec préface de J.H. Abendanon, La Haye
- 1920 - « Letters of a Javanese princess », traduction en anglais d'Agnes Louise Symmers avec préface de Louis Couperus, New York, Alfred A. Knopf - ISBN 0-8191-4758-3 pour l'édition de 1986 - ISBN 1-4179-5105-2 pour l'édition de 2005
- 1922 - « Habis gelap terbitlah terang », Balai Pustaka
- 1960 - Sélection de lettres extraites de « Door duisternis tot licht » traduites en français par Louis-Charles Damais sous le titre « Lettres de Raden Adjeng Kartini : Java en 1900 », Introduction et notes de Jeanne Cuisinier, Préface de Louis Massignon, Mouton/UNESCO Éditeur
- Documents originaux en indonésien sur Wikiquote.
Dans ses lettres, Kartini fit part de ses points de vue concernant la
condition sociale de son temps, et en particulier de la condition de la
femme indigène indonésienne. La majorité de celles-ci reflètent sa
révolte contre la tendance de la culture javanaise à imposer des
obstacles au développement de la femme. Elle souhaitait que les femmes
aient la liberté d'apprendre et d'étudier. Kartini écrivit au sujet de
ses idées et de ses ambitions : « Zelf-ontwikkeling, Zelf-onderricht, Zelf-vertrouwen, Zelf-werkzaamheid and Solidariteit » - termes néerlandais se traduisant par « Auto-développement, auto-apprentissage, self-confiance, auto-suffisance et solidarité » - fondées sur les principes « Religieusiteit, Wijsheid en Schoonheid » - « Religiosité, Sagesse et Beauté » - de même que « Humanitarianisme » et « Nationalisme ».
Ses écrits expriment aussi son souhait d'un soutien de l'extérieur -
dans sa correspondance avec son amie Estell « Stella » Zeehandelaar,
Kartini exprime son désir d'être comme une jeune Européenne. Elle décrit
la souffrance des femmes javanaises brimées par la tradition, empêchées
d'étudier, recluses et devant subir la polygamie, mariées avec des
époux qu'elles ne connaissent pas.
Kartini exprima également des critiques à l'égard de la religion. Elle demandait pourquoi le Coran
devait être mémorisé et récité sans réelle obligation de le comprendre.
Elle exprima également l'opinion que le monde serait plus pacifique
s'il n'était la religion pour susciter troubles, désaccords et offenses.
« La religion doit nous prémunir contre le péché » écrivit-elle « mais, trop souvent, les péchés sont commis au nom de la religion ».
Kartini souleva aussi la question de la religion servant de moyen aux hommes pour perpétuer la polygamie
- les souffrances de femmes de Java atteignant leur pinacle quand leur
monde se réduisait aux murs de leur demeure et qu'elles étaient
préparées au mariage.
- 1954, Dr H. Bouman, Meer licht over Kartini, H.J. Paris, Amsterdam 1954
- 1999, Elisabeth Keesing, Betapa besar pun sebuah sangkar; Hidup, suratan dan karya Kartini. Jakarta: Djambatan, v + 241 p.
- 2000, F.G.P. Jaquet (red.), Kartini; Surat-surat kepada Ny. R.M. Abendanon-Mandri dan suaminya. 3e édition. Jakarta: Djambatan, xxii + 603 p.
- 2004, J. Anten, Honderd(vijfentwintig) jaar Raden Adjeng Kartini; Een Indonesische nationale heldin in beeld, Nieuwsbrief Nederlands Fotogenootschap 43: 6-9.
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Kartini » (voir la liste des auteurs)
- (nl) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en néerlandais intitulé « Kartini » (voir la liste des auteurs)
- Raden Ayu était un titre porté par les femmes mariées de la caste des Priyayi, la noblesse de robe javanaise
- Raden Mas était un titre porté par les hommes mariés priyayi. Aria indiquait un degré de dignité, et Adipati indiquait la fonction de Bupati ou préfet.
- Raden Ajent était un titre porté par les jeunes filles priyayi non mariées
- Harvard Asia Quarterl
- Guratan Pen
- Portail Unesco
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